L’Europe serait-elle déterminée à s’attaquer à une addiction qui maintient son système agricole sous dépendance, sape sa biodiversité et menace la santé de ses citoyens : les pesticides ? La Commission européenne a publié, mercredi 22 juin, une proposition de révision de la réglementation sur les produits phytosanitaires. Très attendu, plusieurs fois reporté, le texte fixe un objectif ambitieux : réduire de 50 % l’usage et les risques des pesticides d’ici à 2030. Il entérine le cap fixé par la stratégie dite « De la ferme à la fourchette », le volet agricole du Green Deal européen.
« Le temps est révolu pour les pesticides », s’est enthousiasmé la commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire, Stella Kyriakides, sitôt le texte présenté. Celui-ci est censé remplacer la vieille directive de 2009, qui encadrait jusqu’ici l’usage des pesticides, sans avoir réussi à le réduire. La nouvelle proposition législative fixe pour la première fois des objectifs juridiques contraignants aux Etats.
Ils seront négociés au niveau national avec chaque gouvernement. L’objectif pourra être porté jusqu’à 60 % pour les Etats les plus gourmands en pesticides, mais aussi être abaissé jusqu’à 35 %, en fonction des progrès déjà réalisés. Ainsi, un Etat pourra se fixer une cible inférieure à 50 %, si l’« intensité » de son usage des produits phytosanitaires a été inférieure à 70 % de la moyenne de l’Union européenne (UE) pour la période 2015-2017, et si ses efforts de réduction entre 2011-2013 et 2015-2017 ont été supérieurs à la moyenne européenne.
Les négociations s’annoncent tendues
Interrogé par Le Monde, le gouvernement n’est pas en mesure de préciser quel objectif la France envisage de se fixer. « Nous sommes au début du processus. La question de l’objectif sera au cœur des débats », indique-t-on au ministère de l’agriculture.
La proposition de la Commission doit maintenant être soumise au Parlement européen et aux Etats. Les négociations s’annoncent tendues. Lors du conseil européen des ministres de l’agriculture du 13 juin, une dizaine de pays avaient demandé à revoir à la baisse les objectifs de réduction. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron, qui préside le Conseil de l’UE jusqu’au 30 juin, a invoqué la crise agricole provoquée par la guerre en Ukraine pour appeler à revoir à la baisse les objectifs de la stratégie « De la ferme à la fourchette », estimant que l’Europe ne pouvait « pas se permettre de produire moins ».
Des arguments brandis par la Fédération européenne des syndicats et des coopératives agricoles (COPA-Cogeca), dirigée par Christiane Lambert, la patronne de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) : elle soutient, sur la base d’études financées par les géants de l’agrochimie, qu’une diminution du recours aux pesticides pourrait entraîner jusqu’à 20 % de baisse pour certaines productions, et donc rendre l’agriculture européenne plus dépendante des importations.
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